Manifeste de l'hypermonde (suite)

Jean-Paul Bois: Un hypermonde sans effort physique, pour quoi faire ?

Que pourrait être un monde sans effort physique, sans l'épreuve de la pesanteur des corps, sans le ruissellement de la sueur?

Notre corps se structure sous l'effet conjugué de la gravité et du tonus de notre musculature. Cette lutte contre les effets de la gravité est consubstantielle à la vie. Un corps inerte, privé de la mobilité, de la marche, du maintien de la posture verticale, dépérit rapidement.

Michel Serres souligne à plusieurs reprises le rapprochement entre corps pesant et corps pensant. Pour lui, le plein exercice de la pensée ne peut aller sans l'ébranlement quotidien et intensif de notre carcasse. Comme témoins, il appelle Rousseau et Diderot, marcheurs infatigables.

Une vie sans effort physique est-elle concevable, sinon souhaitable? La sueur sera-t-elle nécessairement bannie de l'hypermonde?

L'effort physique remplacé par la tension nerveuse, l'homme ne perdra-t-il pas au change une certaine forme de connaissance sensible ?

Un crash dans une course de voitures simulée est loin des 10 g encaissés par le pilote en chair et en os soumis à la même épreuve. L'apprentissage du monde physique semble impossible à travers un monde de simulation, ou du moins très éloigné de ses effets réels.

L'univers virtuel conduit à un sentiment de puissance illimité : on vole, on nage, on se déplace à la vitesse de la lumière. Epatant pour explorer les galaxies.

Après des immersions complètes et prolongées, nos genoux seront-ils encore capables de descendre un escalier?

Et pourquoi pas explorer l'hypermonde de la réalité qui nous entoure en enfourchant un simple vélo?

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