Manifeste de l'hypermonde (suite)
Trois natures de normes ont déjà été
maîtrisées. La norme dimensionnelle, depuis le filetage du
boulon jusqu'à la taille des conteneurs. La norme fonctionnelle,
depuis l'appareil à gaz au protocole de connexion entre deux
systèmes informatiques. Et la norme organisationnelle,
définissant l'organisation optimale d'une entreprise au sens de
la qualité, pour les hommes comme pour les processus de gestion
et de production.
Ces normes organisationnelles, souvent appelées "du
troisième type", représentent déjà une révolution pour
la normalisation. Beaucoup n'attendaient pas ce type de
démarche, qui se rattache à des référentiels normalisés
décrivant les principes de mise en oeuvre d'une "prestation
de service" et non plus seulement d'un produit.
Cette évolution a plusieurs raisons:
- complexification technologique des produits et des processus de
production et d'échanges industriels et commerciaux,
- développement de la notion de réseau autour de
l'électricité puis des technologies de l'information, qui
imposent des contraintes fonctionnelles complexes,
- émergence de besoins globaux liés à la qualité et à
l'efficacité des entreprises, avec la perception des enjeux
liés aux aspects humains.
Il faut alors abandonner complètement la
vision traditionnelle de la normalisation. La démarche consiste
à essayer de modéliser les relations informationnelles entre
organisations. C'est le cas par exemple des travaux menés par
l'ISO sur l'EDI ouvert.
Le passage au conceptuel s'explique par:
- une prise en compte plus précise des nécessités de qualité
totale, de conception, production et maintenance parallèles et
non plus séquentielles,
- la reconnaissance de la primauté des aspects immatériels dans
les organisations modernes,
- la maîtrise et le partage des flux d'information: systèmes
d'information, entreprise étendue, bases de données réparties,
etc.
- la poussée des EDI avec des besoins croissants d'ouverture et
d'intégration des applications, données et systèmes en cause.
Dans cet esprit, la normalisation internationale développe
actuellement les outils suivants:
- un modèle conceptuel des relations d'affaires, faisant appel
à des échanges structurés de données;
- des scénarios avec de véritables "acteurs" ayant un
"rôle" et des "répliques" à jouer et
ouvrant des possibilité se réponses variées selon les groupes
d'utilisateurs en cause,
- des services génériques de transport définissant des
fonctionnalités à respecter indépendamment des moyens
physiques (protocoles informatiques) disponibles,
- une gestion centralisée au niveau mondial des relations
d'affaires, des scénarios types, des dictionnaires de données
messages et des annuaires de services.
Même si beaucoup de choses doivent encore être clarifiées, la
communauté mondiale des EDI semble s'orienter avec
détermination vers ce modèle conceptuel. Il est lui-même
générateur de multiples normes précisant les différents types
d'échange.
Peut-on élargir la modélisation propre à
l'EDI en visant un modèle plus global prenant en compte:
- l'ensemble des organisations socio-économiques: entreprises,
administrations, collectivités, Etats, etc.
- l'ensemble des liens physiques et immatériels qui leur
permettent de fonctionner et qui les relient dans une vision
proche de celle du multimédia,
- l'ensemble des rôles qu'elles jouent dans l'économie...
Peut-on alors imaginer une normalisation "suprême",
réunissant tous les acteurs socio-économiques et fixant au
niveau du monde:
- un modèle universel des relations (intra et inter) entre
toutes les organisations structurées, qu'elles se situent au
plan international, régional, national ou local. Des modèles
types pourraient être ceux des grands opérateurs:
multinationales, banques, assurances, groupements d'usagers,
collectivités, armées, etc.
- les différents modes d'action et d'interaction entre eux,
qu'ils fassent intervenir des hommes, des produits et es
services, des données, avec les besoins, pouvoirs, contraintes
liées...
- un processus central d'enregistrement et de gestion de ces
modèles de relations socio-économiques que l'on pourrait
considérer être de véritables normes du 5eme type.
Une formidable compréhension et maîtrise des mécanismes
économiques et sociaux qui gouvernent le monde serait possible
à travers une telle démarche. L'informatisation complète de
ces modèles et leur accessibilité par toute organisation en
évolution permettrait de faire jouer de façon rationnelle les
mécanismes socio-économiques.
Le décloisonnement serait assuré en évitant le développement
de relations structurées ou informelles bâties sur des
solutions incompatibles.
Mais où est la limite? La normalisation peut certainement aller
très loin, surtout si elle s'appuie sur un processus volontaire
(et sur l'EDI, bien sûr).
Mises en oeuvre toutes ensembles, les normes du 1er au 5eme type
pourraient-elles modeler le monde dans une vision cosmique
d'harmonie et d'ordre universel ? La réponse n'est plus du
domaine de compétence de la normalisation, mais plutôt de la
théologie!