Manifeste de l'hypermonde (suite)

Roland et Micheline Deboux: Pour une ingénierie comptable et financière de l'hypermonde

L'hypermonde modifie le travail, son environnement, son périmètre. Il change aussi le concept de patrimoine. Et les références de la fiscalité. Au coeur de ces changements, l'entreprise de demain appelle de nouvelles formes de gestion et, plus concrètement, de comptabilité.

L'emploi

L'emploi, dans l'hypermonde, crée un problème préoccupant. Comment douter que cette dématérialisation généralisée des biens et même des services ne crée moins d'emplois, en tous cas au sens traditionnel du terme.

Il y a joute un danger d'individualisme. Voire d'autisme: l'individu, seul devant son écran. PIre, enfermé dans son casque de réalité virtuelle. On y tourne le dos à la vie en groupe. Au moins au premier degré.

Enfin, l'hypermonde porte aussi un risque d'élitisme: des acteurs d'un côté, des victimes de l'autre. Ceux qui foncent, et la masse. Le travail et le non-travail. Il faut donc se préoccuper de la séparation de deux blocs: celui du travail, celui du non-travail. Un équilibre doit être conservé entre les deux. Si le groupe du non travail devient très important, cela devient dangereux, du fait que de nombreuses personnes, compétentes, en bonne santé, dynamiques se retrouvent hors du circuit. Il ne s'agit plus d'une masse inactive : des "bons" aussi deviennent des électrons libres. Capables, à partir du non-travail, de devenir acteurs, de perturber l'autre groupe, celui des travailleurs. Et, pourrait-on dire paradoxalement, pour que les travailleurs soient efficaces, il ne faut pas qu'on vienne les déranger pendant qu'ils jouent avec leurs machines!

Peut-on espérer un retour idyllique de la raison? Concilier les deux mondes? Je ne crois pas au partage du travail. Mais, au risque de surprendre, je crois qu'une part des solutions viendra des outils de gestion.

Pour commencer, il faut chercher l'information à la base. Que tous les types d'information circulent. Eviter les castes: une division sable le champagne parce qu'elle a battu une autre division de la même entreprise. A partir de là, on peut faire de la gestion et de la prévision sur simulateur.

La séparation entre les deux groupe naît en partie de la différence des individus. Certains ont de l'ambition, d'autres non. Ces diversités deviennent richesse, si l'on parvient à faire jouer les complémentarités. Un innovateur démuni peut démarrer grâce à un effort de solidarité. De son côté, un tempérament de dictateur, créateur d'entreprise mais poussé aux excès de l'exercice solitaire du pouvoir, a tout à gagner, sur le fond, à la mise en palce de règles démocratiques. Elles lui donneront l'efficacité en l'obligeant à dialoguer avec les autres, c'est à dire finalement ses clients. L'homme ne gagne rien, finalement, à s'enfermer dans un autre autisme, celui du monopole. On permet aux hommes de devenir eux-mêmes en les empêchant de se perdre dans un jeu de requins.

On l'a bien vu, par exemple, dans le monde du commerce, de la grande distribution. A trop écraser les marges de leurs fournisseurs, certaines grandes surfaces de l'ameublement ont finalement été obligées de les racheter... pour continuer à avoir de quoi garnir leurs rayons.

Organiser la coopération

Il s'agit donc d'organiser la coopération entre les différents types de ressources. Tous ceux qui ont
- des excédents, - de l'argent,
- des idées,
- la capacité de rêver,
- une volonté d'entreprendre.

mais aussi
- la volonté d'apprendre,
- le temps d'écouter (ô cher téléspectateur!),
- le besoin et le désir de consommer,
- la capacité d'épargner,
- l'aptitude à faire rêver.

L'éducation du consommateur est donc un point aussi essentiel à l'hypermonde que celle des producteurs. Ils sont responsables des orientations de la production du fait même qu'ils achètent. Ils doivent donc s'informer.

Mais, pour revenir aux producteurs. La richesse d'information dans l'hypermonde leur permet d'abord, avant même la création de leur entreprise, ou d'une nouvelle division, d'un nouveau produit ou service, de simuler le marché. Puis d'orienter plus finement leurs ventes et d'éviter ainsi le gâchis.

Une part de la solution va donc venir de la mise au point de nouvelles formes de comptabilité, permettant de bien comprendre les flux de production et de produits, pour gérer l'outil lui-même, le niveau des stocks, les canaux d'approvisionnement et de distribution.

De savoir aussi, au cours de l'évolution du plan prévisionnel, s'il faut contituer, si les marges sont supérieurs aux espérances (donc capacité d'augmenter les ventes par baisses de prix, ou report sur d'autres lignes de production), ou au conraire si le marché s'avère plus dur que prévu, exigeant du reste de l'entreprise, ou du marché financier, de nouveaux efforts.

L'enterprise de l'hypermonde va aussi profiter de la dématérialisation pour optimiser autrement ses implantations. Décentraliser dans la mesure du possible. Favoriser le télétravail. Donner donc un nouveau rôle aux locaux de l'entreprise: moins une juxtaposition de postes de travail qu'une architecture pour les rencontres. Avec optimisation des déplacements, qu'il s'agisse des personnes et des biens.

Tout ceci devra avoir sa contrepartie
fiscale. Aussi bien pour asseoir l'impôt sur les activités en croissance (immatérielles) que pour donner à l'Etat un indispensable levier sur l'évonomie. Logiquement, on devra donc taxer de moins en moins les produits physiques, et plutôt taxer le virtuel. En taisant tout de même attention de ne pas aller trop vite, sinon on peut bloquer le mouvement. On peut s'interroger, par exemple, sur le rôle para-fiscal que la France fait jouer à France-Télécom... mais qui ne pourra durer indéfiniment du fait de la dérèglementation.

Par ailleurs, l'hypermonde et la dématérialisation modifie en profondeur les échelles temporelles. Tout se fait en temps réel. Or le temps était un élément protecteur. La phase de contrôle intervenait nettement après l'action. Six mois après la fin de l'exercice... Désormais, la gestion et l'audit de cette gestion sont conocomitantes. C'est le "concurrent management and audit", de même qu'il y a le "concurrent engineering" en matière de conception et de fabrication. L'auditeur comptable et le contrôleur fiscal devienent des copilotes. Ils sont "en ligne", au courant minute par minue des résultats. Ils peuvent donner leur autorisation pour régler toutes les situations, tenir compte de l'antérieur pour s'attaquer aux problèmes futurs.

Enfin, les nouvelles formes de gestion doivent préserver le secret de fabrique. Mieux distinguer qu'aujourd'hui ce qui relève de la vie privée de l'entreprise, et ce qui doit être partagé avec lese actionnaires, avec les autorités fiscales, avec les clients, les fournisseurs et même le grand public. Il ne sagit pas de solutions binaires, mais de constructions de bons équilibres, de bons 'appareils" diraient les architectes. D'une saine ingénierie de l'information financière et comptable, dirons-nous. Une transparence contrôlée, bien définie.

On prêtera une attention toute particulière aux jeux financiers, à commencer par le flux de trésorerie. Avec la régulation qui progresse du crédit entre entreprises. Eviter ainsi le bricolage financier. Moraliser les marchés. S'assurer que tout le monde joue bien avec le même jeu de cartes.

Enfin, les structures fiscales aussi bien que financières devront faciliter l'accès à l'entreprise. Avec une régulation minimale pour les entreprises les plus petites, jusqu'à 5 ou 10 salariés. Petit patron débutant, l'essentiel est qu'on "te foute la paix". Avec un seul aux environs de 20 personnes. La régulation de ce seuil influence le système économique.

J'aimerais aussi que tout indidivu, à partir de la majorité, ait droit à une dotation. Et deux fois, car il faut un certain droit à l'échec.Un peu comme l'héritier autrefois. Par exemple, deux projets fiancés par la communauté. Un à 25 ans, l'autre à 45. Mettons deux fois 500 000 F. Il ya différentes manières de réaliser cela.

Evolution du milieu bancaire. Il y a là un risque de fonctionnarisation, qui ne permet plus à ce secteur d'aider les entreprises. Il faudrait renforcer les directions de base, locales,leur permettre de prendre des risques. Sélectionner chaque année dix enteprises à risque. Si deux réussissent, cela doit suffire à rentabiliser l'ensemble.

Enfin, pour les autorités de tuelle, les auditeurs, attention. Hier, on pouvait passer sans complexe la tondeuse sur les tiges croissantes des entreprises pour éliminer ou du moins sanctionner fermement celles qui sortaient trop nettement de la norme. La pelouse repoussait. Aujourd'hui, il faut être attentif à la petite plante. Le concept de prudence doit évoluer. C'est un expert-comptable qui le dit.

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